Rodrigo SEPULVEDA (SR 1995)
Interview réalisée en 2003
Vous avez crée RISC Partners, une société de capital investissement. Pouvez- vous nous parler de votre parcours ?
Après l’EPITA (promotion SR 1995), j’ai passé près de 5 ans chez KPMG, dont 3 ans chez KPMG Peat Marwick, en tant que consultant en système et organisation et près de 2 ans chez KPMG Consulting France. Pour mémoire, fin 1998, les associés français de KPMG Peat Marwick ont vendu la société à CSC. C’est alors que 65 d’entre nous avons préféré remonter une structure française de conseil au sein de KPMG International en France.
Notre positionnement marché alors a été plus autour du conseil de direction, et j’ai monté la première équipe de conseil en stratégie Internet chez KPMG. Je suis passé Manager en 1999, responsable de toutes les activités e-business chez KPMG Consulting, coordinant également les équipes de KPMG Corporate Finance et KPMG Fidal (notre société d’avocats).
Mi-2000, KPMG Consulting aux Etats-Unis décide de se séparer des activités audit de KPMG et de s’introduire en Bourse. Le réseau étant organisé sous forme de franchises, KPMG Consulting Inc (KCI), qui deviendra BearingPoint, rachète quelques bureaux dans le monde et coupe tous liens avec les autres bureaux, dont la France.
Ainsi j’ai quitté KPMG et j’ai rejoint très vite Gemini Consulting en tant que Directeur pour co-créer une équipe d’ingénierie d’affaires, et de montage de projets autour de gros consortiums industriels. J’y suis resté un peu moins d’un an, suite à la fusion de nos activités avec Cap Gemini et Ernst Young.
Pendant mes premières années chez KPMG, j’ai suivi les cours de l’IAE de Paris en cours du soir, et j’y ai décroché le DESS CAAE-MBA. Je suis aujourd’hui vice-président de l’association des anciens élèves de l’IAE de Paris (20,500 anciens élèves), responsable des partenariats avec les organisations professionnelles.
Après Gemini, j’ai souhaité reprendre une formation m’orientant plus vers l’entrepreneuriat et la finance : j’ai donc suivi le programme MBA de l’INSEAD à Fontainebleau, avec un échange d’un trimestre à la Wharton School, de l’université de Pennsylvanie à Philadelphie.
Enfin j’ai crée l’activité de RISC Partners fin 2002 à mon retour des USA.
Pouvez- vous nous décrire en quelques mots l’histoire de RISC Partners ?
RISC Partners est un jeu de mots sur notre activité, qui inclue le capital risque, mais également le rachat d’entreprises avec effet de levier.
Cependant, il y a également un deuxième jeux de mots : chez RISC Partners, je suis RS (Rodrigo Sepulveda) et mon associé est IC (Ivan COMMUNOD – un autre ancien de l’EPITA – promo 95, spécialisation TCOM).
Notre métier est la production de sociétés : au même titre qu’un producteur de cinéma va lire un livre, un journal ou discuter avec quelqu’un et qu’il va se dire qu’il ferait bien un film sur un thème, Ivan et moi décidons de lancer une société sur un thème particulier.
Comme le producteur de cinéma qui va alors co-écrire le scénario, pré financer son film en vendant ses droits aux chaînes de TV, recruter le réalisateur et les acteurs, et veiller à la bonne marche du tournage, RISC Partners va écrire les business plans, effectuer la levée de fonds auprès d’autres capitaux privés (nous investissons également nous-mêmes), recruter les cadres dirigeants, monter les opérations.
Nous intervenons en général en 2 temps :
En phase très amont : soit nous décidons de créer de toutes pièces le projet, soit nous nous associons à des entrepreneurs qui en sont pratiquement à l’élaboration du business plan. Nous nous occupons alors de ce que nous appelons la « production de la société » : modélisation financière, levée de fonds, recrutement, mise en place des opérations, etc… Aujourd’hui, nous faisons évoluer ce modèle pour la production de filiales clé en mainss pour le compte de très grands groupes (média et distribution).
En reprise d’entreprises en difficulté. C’est ma spécialité. Ce sont des reprises d’entreprises en redressement judiciaire voire même en liquidation judiciaire. Même si nous partons avec un actif existant, il s’agit alors vraiment d’une stratégie d’entrée de marché, assimilable aux phases amont d’un projet. Nous regardons ici surtout des entreprises industrielles ; j’ai ainsi beaucoup travaillé en 2003 sur des reprises de sociétés de porcelaine à Limoges et des arts de la table.
Pour vous citer un exemple, en très étroite collaboration avec le PDG fondateur, Ivan et moi avons lancé fin 2002 la société Glowria.fr (spécialisé dans la location de DVD en ligne). Bien que partie troisième sur son marché, Glowria est aujourd’hui n°1 sur le marché français et a gagné de nombreux prix et labels : label Innovation de l’ANVAR (octobre 2003), Trophée Meilleure société en Amorçage à Capital-IT Autumn 2003 (seule société citée deux fois pour les prix car aussi finaliste pour le Trophée meilleur potentiel de développement), Masters 2004 de la création d’Entreprise au Sénat (janvier 2004). Nous sommes membres de la FEVAD (le syndicat de la profession), avons des deals formidables avec Philips, Carrefour, AOL, etc.
Pourquoi avez vous fait le choix de construire une société de capitaux privés ?
Il y a 3 raisons :
- L’indépendance : nous avions envie de créer une société dans laquelle nous seuls décidons des projets que nous voulons porter et de la manière dont nous voulons les réaliser. Ivan a un passé de près de 10 ans d’entrepreneur (Commonway, ICway, Factoris) et se sent très à l’aise dans ce modèle. De mon côté, j’ai plutôt eu un parcours d’entrepreneur au sein de grands groupes, et il était arrivé le moment de sauter le pas.
- Le métier : le capital investissement (avec toutes ses étapes, du capital-risque, au LBO) est un secteur qui nous intéresse passionnément. Nous seulement nous rencontrons au quotidien des gens formidables avec un passion créatrice, une volonté d’innovation, et un moral d’acier, mais nous pouvons également les aider à les mettre en oeuvre. De même pour nos idées. C’est pourquoi nous avons inventé le concept de « producteurs de sociétés ». C’est un peu comme un capital-risqueurs mais dans le sens inverse : nous choississons les thèmes qui nous intéressent ainsi que les entrepreneurs avec lesquels nous travaillons. Nous n’attendons pas que les gens viennent nous voir, même s’ils sont les bienvenus. En ce moment, par exemple, nous créons un regroupement de sociétés dans le monde de la reconnaissance vocale ; nous avons recherché les dossiers plutôt que d’attendre que les gens viennent nous voir.
- Le retour sur investissement : nous espérons que cette société deviendra à terme plus lucrative pour nous que de toute autre activité pour nous dans d’autres sociétés.
Quels facteurs ont été déterminants dans la réussite de ce projet ?
Je pense que c’est la complémentarité de l’équipe. Comme dans toute création de société, si on s’associe avec quelqu’un, il faut qu’il y ait tout d’abord une confiance mutuelle absolument totale : sur RISC Partners, Ivan et moi partageons la signature bancaire ; Ivan peut faire autant de choses bonnes ou mauvaises que moi je peux en faire.
C’est fondamental. En outre, il faut qu’il y ait complémentarité ; il ne faut pas que l’on se marche sur les pieds. Ivan habite en Espagne, il gère l’Europe du Sud, moi j’habite Paris et je gère l’Europe du Nord. Lui fait beaucoup de technologie, moi je fais plutôt les médias, la distribution et l’industrie. Lui fait plutôt les amorçages amont, alors que je fais surtout les reprises en difficulté et les retournements dans les grands groupes.
Ce sont les deux facteurs vraiment importants.
Ensuite ce sont des critères hexogènes : j’ai un parcours en tant que Consultant en stratégie dans de grosses sociétés, et j’ai également un peu cumulé les diplômes. J’ai une connaissance de gestion organisationnelle assez approfondie.
Ivan, de son côté, après avoir monté un certain nombre d’entreprises, a toute l’expérience de l’entrepreneur terrain : gestion d’équipes de plus de 100 personnes, gestion de la trésorerie au quotidien.
Nous nous retrouvons enfin sur le thème de la négociation, où nous sommes tous les deux redoutables.
RISC connaît-il des concurrents ?
Ils peuvent se compter sur les doigts de tous les habitants de Paris !
Le marché du capital investissement se structure suivant les étapes du financement de la croissance d’une boite : Friends & Family, Business Angels, Venture Capital (ou capital-risque), Private Equity (ou capital développement), LBO (ou investissement avec effet de levier), etc.
Sur notre capacité à investir, nous sommes plutôt dans la catégorie des Business Angels : ce sont des gens qui possèdent plus ou moins un gros patrimoine ; en général ce sont des cadres expérimentés qui ont quitté de grosses sociétés.
Nous en avons un certain nombre dans Glowria, par exemple. Ce sont des gens qui accompagnent de très près les entrepreneurs. Les Business Angels sont plusieurs milliers en France, qui se regroupent en diverses associations.
Ensuite nous sommes plus ou moins concurrents avec tous les autres corps de métier que nous exerçons en tant que producteurs : avec les leveurs de fonds (bien que nous pensons plutôt travailler avec eux dorénavant), les consultants en stratégie et organisation, les recruteurs, les architectes systèmes, etc.
Pas trop dur de combiner vie professionnelle et vie personnelle ?
Mon fils est né lors de mon premier trimestre à l’INSEAD, et je l’ai très peu vu la première année. A présent je travaille beaucoup plus souvent à domicile (lorsque je ne suis pas en déplacement) et je peux le voir plus souvent pendant la journée. C’est formidable de le voir grandir comme cela.
Ivan travaille également aussi à domicile et de temps en temps je le vois passer dans le champ de la webcam (nous faisons des visioconférences ou appels téléphoniques sur Internet de manière quotidienne).
En revanche en terme d’équilibre de couple, cela n’est pas forcément évident.
Ce sont les aléas de ce métier.
Surfez vous régulièrement sur le net ?
J’ai 3 PC sur mon bureau et les 3 sont branchés en permanence sur Internet.
Qu’aimez vous sur Internet ?
Ce que j’aime le plus c’est d’avoir immédiatement une information, on a accès à une foule d’informations à laquelle on n’aurait pas accès si le net n’existait pas.
Je reçois tous les quarts d’heure une mailing liste, j’ai le Deal Book du New York Times, The Economist, Business Week, des alertes de CBS MarketWatch sur des société que je suis et qui sont cotées à la bourse de New York dès qu’une information devient disponible, etc.
Plus d’excuse donc pour ne plus être informé sur le marché !
A contrario, que détestez vous ?
Ce que je déteste le plus est le SPAM. J’ai 8 boites aux lettres, et dans chacune, je dois recevoir 300 à 400 spams car j’ai fait l’erreur il y a quelques années de mettre mon e-mail sur des sites. J’utilise à présent une solution de mailblocks.com qui fonctionne presque bien.
Utilisez vous le réseau des anciens pour promouvoir votre société ?
C’est plutôt Ivan qui utilise le réseau des anciens de l’EPITA, car il travaille plus que moi sur les aspects technologiques.
A titre d’exemple, quand on a lancé une société spécialisée dans la reconnaissance vocale ; Ivan a contacté un copain de promotion, David Vincent qui était dans le même secteur et qui a rejoins le projet en tant que directeur commercial Europe et patron pour la France. Ivan voit beaucoup les anciens de l’EPITA, moi beaucoup moins.
En revanche je vois un peu plus les anciens de l’IAE de Paris, et suis très souvent en contact avec mes camarades anciens de l’INSEAD.
Pour les contacter :
Rodrigo SEPULVEDA
Ivan COMMUNOD