L'école
La révolution de l’Internet des objets
16/12/2010
Le 1er décembre 2010, à la Maison des Métallos à Paris, la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING), Musiques et Cultures Digitales (MCD), nod-A, acteur impliqué dans les milieux de l’innovation et de la création numérique et l’EPITA ont organisé le premier événement français du « Council for the Internet of Things » pour explorer le monde des objets intelligents, connectés, interactifs et communicants avec les entrepreneurs, les designers et les artistes…
De la conquête du virtuel sur le réel
C’est le franchissement d’une nouvelle étape : la conquête de l’objet par Internet, en rendant plus floues les frontières entre le virtuel et le réel, peut constituer le levier d’une véritable révolution humaine, dont le mouvement est repérable à tous niveaux. L’Internet des objets est en train de bouleverser progressivement notre univers quotidien. Il organise « la fusion du réel et du virtuel » et engendre « la création d’un monde sensible, d’un monde réactif à notre présence. », selon Rafi Haladjian, fondateur d’Open-sens-se, plateforme pour le prototypage rapide et facile d’objets, d’expériences et d’environnement intelligents, sensibles et connectés qui permet à chaque internaute de contribuer à l’élaboration de ce nouveau monde d’objets communicants.
Gérald Santucci, président du groupe de travail sur les technologies RFID à la Commission européenne, dresse un panorama des possibilités offertes : « Les perspectives ouvertes par les objets intelligents sont multiples : révolution de la domotique, construction d’immeubles intelligents, gestion plus efficace des énergies, gestion plus dynamiques des transports, meilleure organisation de la santé. L’internet des objets va nous permettre d’avoir un confort de vie meilleur, de construire des villes et des appartements intelligents. »
Généraliser la reconnaissance de forme
Gilles Privat, senior scientist chez Orange Labs revient sur la révolution de la domotique, de l’électroménager et de l’urbanisme : doublement du réseau électrique par un réseau de capteurs phénotropiques (reconnaissance de forme) capables de reconnaitre les objets et de fournir à des applications de gestion automatisée les données nécessaires à leur fonctionnement. « L’idée est que cet arrière-plan de capteurs va pouvoir être mutualisé et que l’on va pouvoir élargir le périmètre des objets que l’on gère à l’intérieur de la maison. Ces capteurs seront mutualisés sur différentes applications. Cela est particulièrement intéressant dans l’électroménager. A l’aide de ces capteurs, on pourrait par exemple mesurer le courant utilisé par l’objet. De la même manière, à plus grande échelle, on pourrait imaginer l’exploitation d’une infrastructure de capteurs répartis à l’échelle de la ville, au niveau par exemple des réseaux de collecte des déchets ou des réseaux de transport : on pourrait imaginer une infrastructure physique de supervision et de contrôle de ces réseaux. »
Des produits ciblés
L’Internet des objets va également bouleverser l’économie en faisant considérablement évoluer le fonctionnement des entreprises et les modes de consommation. Il peut par exemple apporter des solutions aux problématiques posées par la traçabilité des marchandises et faire progresser la logistique. Il peut encore améliorer le service au consommateur. Xavier Barrat, directeur de l’Innovation, GS1, société dont l’objectif est d’établir des standards et des solutions permettant l’échange de biens de consommation sur la planète, explique : « On peut se demander comment l’objet proposé à l’achat va s’adapter aux besoins de la personne et initier une communication avec lui. On pourrait imaginer que, grâce à cette communication, une personne allergique soit automatiquement renseignée sur les composants allergènes d’un produit par exemple. Le code barre peut être l’un des moteurs de l’internet des objets dans les grands magasins, un moyen d‘identifier le produit et de le faire parler quand il est couplé à internet. D’autres moyens existent : capteurs, RFID, smartphones… »
Au service du consommateur
Le projet Proxi Produit, soutenu par le gouvernement, ouvre pour les marques la perspective d’un nouveau média de communication vers le consommateur final : une application téléchargeable permet d’étendre les informations présentes sur le packaging et de donner accès à de nouveaux services sur mobile comme des informations supplémentaires et personnalisées sur la composition du produit (allergènes, nutrition, …) ou encore des informations environnementales en accord avec les engagements du Grenelle de l’environnement (l’indice carbone, les consignes de tri, etc.). L’internet des objets pourrait constituer une aide dans la recherche d’information très ciblées. Plus largement, on pourrait imaginer une interaction avec les affiches, les bus, les bâtiments, entre la voiture et ses composants, des frigos intelligents, des applications dans la domotique, dans la gestion de parcs, sur des problématiques précises telles que la gestion des containers de gaz dans une entreprise. L’étendue des applications et les bénéfices restent à imaginer.
Des choix politiques
La révolution de l’internet des objets doit être accompagnée et interrogée. Elle implique des choix relevant parfois du politique. Pour Rob van Kranenburg, fondateur du Council, « l’enjeu, à travers l’internet des objets, réside dans une alternative : construire une cité d’amis ou bien d’étrangers, d’uniformité ou de diversité. L’internet des objets peut créer de la transparence, ouvrir de nouveaux chemins du qualitatif, améliorer le partage des données, de l’information, et contribuer ainsi à la création d’un monde ouvert.» Gérald Santucci renchérit : « Voulons-nous que les objets rendent les interactions entre hommes plus complexes ou préférons qu’ils nous transforment en esclaves ? Comme l’a dit Jacques Attali, la création nous protège contre la violence. Elle permet de libérer l’homme, lui permet de créer sa propre vie. Nous pouvons aussi faire le choix de la peur : toutes les relations entre les humains seraient dictées par la loi concernant les technologies. Pour avoir les moyens d’imposer ses choix, il faut que l’Europe reconquière son indépendance technologique. Il faut enfin que l’on identifie les sujets de politique publique qu’il faut que l’on aborde pour s’engager dans cette voie. »
L’Internet des objets est également utilisé par les artistes comme moyen de redéfinir l’existence humaine. Pour Natacha Roussel, d’experientiae electricae, qui travaille sur le vêtement communicant, « le vêtement connecté, puisqu’il questionne l’homme dans le rapport à son corps, mais également dans son rapport à l’autre, permet à l’homme d’envisager son être au monde de manière différente, et donc dans une certaine mesure, de ré-envisager l’existence. » Natacha Roussel a développé un projet de cartographie sonore et visuelle permettant de retranscrire les interactions corporelles des porteurs de ses vêtements dans un espace donné. « Les gens recréent ainsi en marchant, en fonction du rythme de leur pas, de nouveaux modes relationnels sur le mode ludique. Le porteur est amené à transformer son rythme personnel en réponse au rythme proche, ce qui conduit à la constitution progressive d’un rythme collectif. Sont ainsi interrogés la pratique habituelle de la localisation, l’usage habituel de l’internet des objets et enfin l’impact des vêtements sur nos corps. »
Des exemples d’objets communicants innovants font sentir concrètement les avancées permises par les objets intelligents. Par exemple, le CEA List, centre de recherche technologique, a développé le concept d’un uniforme de pompiers équipé de capteurs permettant d’avertir le porteur au moment où l’uniforme perd son efficacité contre les flammes, un vêtement pour les malades dans les hôpitaux équipé de capteurs enregistrant la fréquence cardiaque et d’autres données biométriques permettant au médecin de mieux suivre le malade, ou encore un concept de chaussures capables de récupérer l’énergie cinétique dégagées par leurs porteurs lors de leur activité de marche ; Yann Minh, artiste multimédia, s’intéresse dans son travail aux objets de plaisir connectés à internet et stimulant les zones érogènes de l’internaute en fonction de l’activité sexuelle de son avatar virtuel, ou encore à une souris spéciale permettant à de dernier de ressentir la sensation de poids.