Loïc Dachary, un prophète du libre
Loïc Dachary, diplômé en 1986 de la première promotion de l’EPITA, a fondé FSF France, une association de défense du logiciel libre.
Pourquoi défendre le logiciel libre ?
La défense du logiciel libre repose sur une conviction philosophique : l’humanité est plus riche de partager les logiciels que de permettre à chacun de les garder pour soi. Pour illustrer cette idée, on pourrait pertinemment utiliser l’analogie des mathématiques : il serait peu souhaitable et ridicule de breveter un algorithme, personne ne possède le théorème de Pythagore. Le logiciel libre présente un intérêt à tous les niveaux. Au niveau de l’individu, il permet de partager le logiciel avec ses parents ou ses amis, ou encore de faciliter la résolution d’un problème par des interventions rendues possibles sur le logiciel. Il présente un intérêt au niveau des gouvernements. Pour l’éducation notamment : toutes les écoles d’un pays peuvent ouvrir les logiciels libres, étudier et modifier ce qu’il y a à l’intérieur pour aider leurs élèves à développer des connaissances techniques. Mais également pour la sécurité : un consensus s’est établi pour dire que la transparence est la meilleure défense contre les cyber-délinquants. Le logiciel libre est en revanche moins intéressant pour les entreprises, pour lesquelles il est moins lucratif que le logiciel propriétaire en raison de la concurrence. Mais les entreprises, par le biais du logiciel propriétaire, tiennent leurs clients sous dépendance : c’est pourquoi il faut refuser absolument cette forme d’esclavage moderne.
Comment agit concrètement FSF France ?
FSF France a été fondée dans la continuité d’une première association que j’ai créée seulement un an après ma sortie de l’EPITA, à une époque où il n’existait encore aucune association rassemblant les défenseurs du logiciel libre. Aujourd’hui, le rôle de FSF France est largement complété par celui d’ April, une association dont je suis membre actif, qui regroupe 5 000 membres et qui fait la promotion du logiciel libre auprès du grand public. FSF France a deux rôles, qui complètent celui d’April. Elle héberge des projets et elle défend les droits des auteurs des logiciels libres qui ont été bafoués.
Quel avenir pour le logiciel libre ?
Il y a 20 ans, on n’aurait jamais pensé que le logiciel libre aurait tant progressé. Aujourd’hui, 90 % du chiffre d’affaires sur le logiciel est le service : on est donc déjà dans une situation dans laquelle si le logiciel propriétaire disparaissait ça ne changerait pas fondamentalement le tissu économique constitué autour du logiciel. D’autre part, toute l’infrastructure d’Internet, ses rouages, sont du logiciel libre, ce qui est un événement majeur. On voit mal comment on pourrait revenir en arrière. A présent, toutes les entreprises supportent le logiciel libre, y compris ses ennemis. Microsoft a changé ses positions sur le sujet. Le mouvement est donc devenu global. Le logiciel libre est moins immédiatement lucratif que le logiciel propriétaire, mais l’économie qu’il engendre est néanmoins profitable. Je souhaite qu’April atteigne entre 10 000 et 20 000 membres pour avoir un rôle vraiment solide. FSF France se cantonnera alors à un rôle de représentation.
Que vous a apporté votre formation à l’EPITA ?
J’ai fait partie de la première promotion de l’EPITA, celle de 1986. A l’époque, l’école était encore située dans le 18e arrondissement à Paris. La principale raison pour laquelle j’y étais allé était qu’il y avait de grosses machines à l’époque. Ce passage a joué un grand rôle dans le développement de mon enthousiasme pour l’informatique. Il y avait beaucoup d’émulation, et j’ai pu nouer de grandes amitiés là-bas.