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Gouvernance du Net : retour de la guerre des blocs ?

Le 13 mars, pour la sixième édition de sa conférence TIC & Géopolitique, l’EPITA a convié experts numériques, juridiques et politiques sur le thème « La gouvernance d’Internet : vers un retour de la guerre des blocs ? ». Les invités se sont demandés s’il existe un gouvernement du Net et si les contrefacteurs sont devenus les nouveaux rois du cyberespace.

Première table-ronde : « Y-a-t-il un pilote pour gouverner Internet ? »

Bertrand de La Chapelle, ancien membre du Conseil d’Administration de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN)
Stéphane Van Gelder, président du NomCom (le comité de nomination de l’ICANN)
Nathalie Chiche, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE) à l’origine d’un rapport sur la gouvernance d’Internet
Benjamin Sonntag, co-fondateur de la Quadrature du Net
Pierre Bellanger, président-fondateur de Skyrock et auteur du livre « La Souveraineté Numérique »

tic_geopolitique_2014_02.jpgQui sont les acteurs en jeu ?
Internet est à la fois une infrastructure et un cyberespace. C’est un écosystème d’opérateurs – les millions d’acteurs qui construisent le réseau, développent le service et créent des applications – de clients et d’utilisateurs qui partagent et consomment. La gouvernance d’Internet permet de défendre les libertés individuelles, via des mécanismes de défense et de garantie des droits. Cependant, on assiste ces dernières années à une fragmentation. Les principaux décisionnaires, les États, le secteur privé et la société civile, ne sont pas sur un pied d’égalité : les États se sentent menacés dans leur souveraineté par les acteurs technologiques et économiques.

Quelle(s) gouvernance(s) ?
Il faut distinguer la gouvernance de l’Internet de la gouvernance sur l’Internet. La gouvernance de l’Internet correspond à l’attribution des adresses IP et des standards. Multi-acteurs et multinationale, l’un de ses principaux protagonistes est l’ICANN, qui coordonne l’assignation des protocoles et des noms de domaine. La gouvernance sur l’Internet se saisit des problématiques de liberté d’expression, de cybercriminalité, etc. Elle utilise des instruments traditionnels, telles que la diplomatie, les relations interétatiques et les lois nationales.

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Quel est le rôle de l’ICANN ?
L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), fondée par Bill Clinton, est une association à but non lucratif, régie par les lois californiennes. Si on lui reproche de servir les intérêts américains, il est illusoire de vouloir s’en passer du jour au lendemain. Il faudrait initier une dynamique de renforcement du poids des États au sein du Governmental Advisory Committee (GAC), un comité consultatif qui conseille l’ICANN sur les sujets gouvernementaux. Ses opposants restent assez critiques : elle gère des fortunes mais n’aurait pas réellement de leviers d’action, beaucoup de discussions pour peu de résultats.

Quels enjeux pour la gouvernance d’Internet demain ?
L’histoire de la souveraineté numérique est celle de l’émancipation, de la maîtrise du destin collectif et des libertés collectives. L’Internet est substitutif et non addictif : il remplace les logiques précédentes. Entre 1990 et 2010, un emploi sur deux dans le tertiaire a disparu à cause de carences numériques. Il faudra inévitablement une collaboration public/privé pour s’adapter à ces évolutions. Le grand défi est d’éviter une polarisation et de produire la convergence et le rassemblement dans la nuance. Nous avons besoin d’être souverain sur nos données, car lorsqu’on existe mais que nous n’avons pas de droit, nous ne sommes que des objets vivants.

Si les outils et les technologies existent, il semblerait que la gouvernance de l’Internet reste encore à développer, voire à inventer.

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Deuxième table ronde : « Bienvenue sur www.arnaques.com ? »

Delphine Sarfati-Sobreira, directrice générale de l’Union des Fabricants (UNIFAB)
Myriam Quémener, magistrate au parquet général de la cour d’appel de Versailles et spécialiste des questions d’e-commerce
Julien Serres, directeur général du cabinet Insiderscorp
Luc Strohmann, responsable cyber-douane à la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)

tic_geopolitique_2014_04.jpgUne nouvelle organisation des systèmes de contrefaçon
Il existe de vraies menaces liées à la contrefaçon pour les entreprises et les consommateurs. Elles résultent d’un changement de nature de la contrefaçon, passée d’un fonctionnement artisanal à une organisation industrielle, aux mains de structures mafieuses. La contrefaçon touche à tous les objets : vêtements, médicaments, parfums… Cette menace est exponentielle : en 2005, 1 % des saisies de douanes provenaient d’Internet ; elles étaient de 31 % en 2012. La fraude sur Internet suit l’évolution du e-commerce. Il existe également de la contrefaçon de marques, de process ou d’enseignes.

Consommateurs, nouvelles victimes ?
Avant, le consommateur savait qu’il achetait un faux et il était complice de cette contrefaçon. Désormais, il ignore que le produit qu’il achète est contrefait. Il est devenu une victime. Les contrefacteurs ont très bien compris l’Internet : on peut vendre un faux à prix réduit, en affichant la photo du vrai produit. L’achat est effectué en toute bonne foi, sur des sites miroirs ou de vente entre particuliers.

tic_geopolitique_2014_05.jpgQuelles institutions luttent contre la contrefaçon ?
La cyber-douane française, créée en 2009 par la volonté du ministère du Budget. Constituée de dix analystes, elle s’occupe de la saisie de matériel, la surveillance des trafics et la mise en avant des problématiques de fraudes. Judiciairement, on reste face à un océan : il n’existe pas de service dédié à la cyber-fraude mais une multitude de textes, faisant de la contrefaçon à la fois un délit civil, pénal et douanier. Cette nouvelle forme de fraude nécessite la formation des magistrats et la prise en compte de la mondialisation ainsi que la mobilité de cette criminalité. Une coopération public/privé doit être mise en place car c’est un domaine où il n’y a pas de politique pénale active.

Possède-t-on les outils techniques nécessaires à cette lutte ?
Dans le cadre d’une enquête pour fraude, un cabinet privé peut avoir accès au site de vente en ligne d’où provient le faux, mais il est extrêmement compliqué d’identifier le responsable physique. On peut condamner un nom, mais on peut rarement le retrouver. Si l’on sait faire fermer 90 % de ces sites par les hébergeurs, on ne peut leur en reprocher l’existence. 

Si la lutte contre ces nouvelles formes de fraudes évolue, elle manque cruellement de structures et de cadres législatifs nationaux et internationaux.


La conférence TIC et Géopolitique, organisée chaque année depuis 2009 par l’EPITA, réunit experts et praticiens autour des grandes problématiques économiques, sociales et politiques liées aux nouvelles technologies, à leur évolution et à leur impact.

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