« Objets connectés : une affaire de software ! » : quand l’EPITA aborde les prochains défis de l’Internet of Things
Pour sa conférence « Objets connectés : une affaire de software ! » organisée le mardi 3 février, l’EPITA accueillait un parterre d’experts de ce fameux Internet of Things (IoT) et analysait les défis à venir autour de ce marché en plein essor.
« Tout ce qui a vocation à être connecté le sera »
Dans un grand amphi rempli d’étudiants et d’une quarantaine de professionnels du numérique, la conférence de l’EPITA sur les objets connectés démarre d’abord par une courte introduction de Joël Courtois, directeur général de l’école. L’occasion de revenir sur l’importance de ce secteur d’avenir et sur l’implication de l’EPITA en la matière, l’école étant déjà à l’origine de plusieurs rendez-vous sur le sujet. À la suite de ce rappel, Cédric Ingrand, journaliste à LCI et animateur de la conférence, prend la parole pour tracer les contours de l’événement. « Tout ce qui a vocation à être connecté le sera », précise-t-il avant de souligner qu’il y a déjà plus de smartphones et d’objets connectés que d’humains sur la planète. Si les objets connectés, en constante progression, n’ont jamais été si nombreux, Cédric Ingrand constate un problème majeur : leur non homogénéité. « Il manque encore des standards logiciels pour les objets connectés, comme peuvent l’être un Windows ou un Linux. » Alors qu’un objet correspond à une appli, une appli ne correspond donc que très rarement à plusieurs objets connectés. Il s’agit là d’un des quelques paradoxes des objets connectés soulevés lors de cette conférence par ses invités.
Joël Courtois, directeur général de l’EPITA
Cédric Ingrand à la manoeuvre
Et si les objets connectés parlaient le même langage ?
C’est un fait : les objets connectés ne sont aujourd’hui pas tous conçus de la même façon. « L’interopérabilité des objets connectés est l’un des problèmes principaux », estime à ce propos Fabien Battini, partner relationship director à Technicolor. Pour Ugo Dessertine, ingénieur de Sen.se, la solution à ce souci peut passer par une sorte de traducteur qui permettrait à ces objets de communiquer entre eux. « Aujourd’hui, les objets connectés ne parlent pas le même langage, explique-t-il. D’où la volonté de Sen.se d’avoir développé Mother, son hub domestique pour capteurs connectés destinés à rendre intelligents les objets. L’idée derrière, c’est de répondre à la problématique que représente le fait d’avoir 10 à 20 objets connectés chez soi, ce qui risque d’arriver rapidement car, chez Sens.se, on croit que tous les objets finiront par être connectés. » Si Mother permet déjà de connecter des objets avec des petits capteurs versatiles et propose une douzaine d’applications, elle vient de voir son offre compléter par le lancement d’une API qui favorisera l’émulation des professionnels comme des particuliers. « Il a fallu créer notre propre protocole de communication entre ces capteurs et Mother, précise Ugo Dessertine. Maintenant, avec cette API, d’autres objets pourront communiquer avec Mother et les gens peuvent récupérer leurs données brutes afin d’éventuellement créer leur propre application à leur tour. On est dans une phase de créativité et on espère que les développeurs vont suivre aussi car notre politique n’est pas de vendre des données mais des objets. »
De gauche à droite : Paul Guermonprez, Cédric Giorgi, Gary Cige, Ugo Dessertine et Fabien Battini
De l’ère des « bidouilleurs » à la tendance industrielle
Pour Paul Guermonprez, academic program manager à Intel, l’uniformisation du hardware peut aussi être une piste viable. Dans cette optique, Intel propose d’ailleurs Quark, son propre processeur pour objets connectés. « On a des marges de progression, détaille-t-il. Pour Quark, nous nous sommes inspirés du Pentium 4, en le miniaturisant, afin qu’il consomme 100 fois moins qu’un processeur normal. » À ses yeux, le monde de l’IoT est en train de prendre un virage technique en n’étant plus simplement le terrain de jeux « des makers, des bidouilleurs ».
« Les poubelles de l’Histoire sont pleines de produits super »
Cette tendance à la professionnalisation présentée par Paul Guermonprez, Gary Cige en a bien conscience. En lançant l’accélérateur Usine IO, sorte « d’énorme FabLab », il propose justement « une expertise poussée » pour permettre aux futurs acteurs de cet univers de penser leur business model et créer une véritable entreprise. « Les barrières à l’entrée tombent et on voit au quotidien des gens qui veulent se lancer dans les objets connectés. Mais si c’est plus facile aujourd’hui qu’il y a quelques années, notamment grâce à l’accès aux composants devenus moins chers et au financement via le crowdfunding, ce n’est pas forcément plus simple en comparaison avec le monde du digital. Il faut comprendre qu’une équipe de deux personnes peut sortir quelques chose de correct et scalable dans le digital mais pas dans l’IoT, où il faut une équipe – un ingé technique, un ingé industriel, quelqu’un pour le business, etc. – et de l’argent. » Un avis partagé par Fabien Battini : « Il ne suffit pas d’avoir un produit viable et techniquement parfait : il faut aussi atteindre son client. » L’occasion pour Cédric Ingrand de rappeler à juste titre que « les poubelles de l’Histoire sont pleines de produits super ».
S’adapter ou mourir ?
Cette tendance doit aussi être digérée par les grands groupes industriels qui, s’ils ne se plongent pas rapidement dans l’IoT, risquent de le regretter amèrement. Selon Cédric Giorgi, head of startup relations pour SigFox « les constructeurs automobiles » doivent déjà penser à « adapter » leurs véhicules à l’IoT car ce dernier ne concerne plus uniquement les « start-ups high tech ». Une prédiction que Fabien Battini partage également, ne serait-ce que pour l’intérêt pour ces grandes marques d’établir « une connexion beaucoup plus forte avec leurs utilisateurs, à la manière d’Apple ». Ce changement d’approche dans le milieu automobile lui rappelle d’ailleurs les évolutions successives liées à l’apparition de « la radio FM puis des smartphones et tablettes » qui avaient déjà obligé les constructeurs à revoir leurs copies.
Quid du stockage et du réseau ?
L’hébergement des données et l’utilisation d’un réseau sont des questions indissociables des objets connectés. Savoir où seront stockées les données des milliards d’appareils représente même un véritable enjeu géopolitique à croire Paul Guermonprez. « Où nous hébergerons ces données dans le futur ? Dans le Cloud ? Si, pour les mails, c’est déjà trop tard, pour les plateformes IoT, on peut encore imposer certaines choses et imaginer, par exemple, héberger les données de l’IoT européen, en Europe. » Concernant le réseau permettant à ces objets d’exister, de nombreuses solutions sont en cours de développement. Parmi elles, se trouve justement celle du toulousain SigFox où travaille Cédric Giorgi. « La question de la connectivité est cruciale quand on souhaite créer un objet connecté : En Bluetooth ? Avec GSM ? Etc. Nous avons plutôt fait le choix de déployer un nouveau réseau, on met des antennes sur des toits ou créons des partenariats à l’étranger. Le but ? Créer un réseau mondial bas débit de consommation pour l’IoT. »