Avec Lokimo, deux EPITéens veulent transformer le secteur de l’immobilier
Tous deux membres de la promotion 2020 de l’EPITA au sein de la Majeure Data Science et Intelligence Artificielle (SCIA), Binta Gamassa et Martin Noël sont à l’origine de Lokimo, une start-up pensée pour transformer le quotidien des professionnels de l’immobilier grâce aux données. Passé par l’EPITA StartUp Lab, le start-up studio de l’école, ce projet étudiant devenu entrepreneurial ne manque pas d’ambition, à l’image de ses deux créateurs réunis pour cet entretien croisé.
Martin et Binta, les deux têtes pensantes derrière Lokimo
Quel est votre parcours étudiant ?
Binta : Si j’ai rejoint l’EPITA, c’est parce qu’en Terminale, je me suis rendu compte que je voulais vraiment en apprendre plus sur les nouvelles technologies : je voulais programmer, voir comment ce monde des technologies fonctionnait… C’est la même raison qui m’a fait opter pour la Majeure SCIA. Comme les réseaux de neurones et la Data Science sont en train de devenir un enjeu majeur du 21e siècle, je trouvais intéressant le fait de pouvoir comprendre en profondeur comment ces domaines marchaient et comment les algorithmes de prédiction étaient conçus.
Martin : Mon parcours est assez similaire à celui de Binta. J’ai également rejoint l’EPITA en post-Bac et sélectionné la Majeure SCIA en fin de cursus. Étant un grand fan de science-fiction, j’ai toujours été attiré par tout ce qui touchait à l’Intelligence Artificielle (IA). Le hasard a ensuite fait qu’elle et moi nous sommes retrouvés impliqués sur un projet commun au sein de la Majeure. Un projet qui, en évoluant, est alors sorti du cadre de l’école…
Justement, à quoi ressemblait ce projet commun avant de devenir Lokimo ?
Martin : Notre Projet de Fin d’Études devait forcément avoir un lien avec la data. On s’est alors mis à chercher un domaine dans lequel la data s’avérait importante. Naturellement, ses recherches nous ont conduit à nous intéresser à l’immobilier, en réalisant que la grande majorité des professionnels du secteur ne prenait que trop peu leurs décisions en fonction des données malgré l’importance que ces dernières pouvaient représenter dans leur travail : aucune technologie liée au Big Data ou à l’IA n’était pratiquement utilisée ! Nous avons alors commencé à accumuler un maximum de données du secteur pour voir ce que l’on pouvait en faire. C’est en travaillant sur cette partie qu’est née notre envie d’allait plus loin et d’imaginer Lokimo.
Jusqu’à présent, quelles données étaient utilisées par les professionnels de l’immobilier ?
Martin : Des données classiques que l’on appelle « les données conventionnelles » comme, par exemple, la population, les données socio-économiques, le prix du m² dans la zone concernée, le nombre de ventes réalisées, etc. Qu’ils soient agents immobiliers, promoteurs ou investisseurs, les professionnels de l’immobilier regardent toujours ces données avant d’entreprendre une action dans un quartier. Et pour traiter et compiler ces données, ils utilisent traditionnellement Excel pour en faire des tableaux, des graphiques. En plus d’être très chronophage, cette façon de procéder leur fait passer à côté d’un grand nombre de données dites « non conventionnelles ». Ces données peuvent être obtenues par l’analyse sémantique d’annonces, l’analyse de la demande ou encore l’analyse de saturation. Cette dernière peut concerner des secteurs où l’on trouve plus de biens en vente par rapport à la demande effective comme des secteurs où il y a plus de logements vacants que de nouveaux arrivants. Voilà l’intérêt de Lokimo : proposer aux professionnels une plateforme pouvant agréger et centraliser toutes ces données, mais aussi permettre un traitement plus poussé de la data avec des possibilités de recherche et de prédiction. C’est d’autant plus important car, pour obtenir des données peu conventionnelles, il convient de faire du scrapping de sites internet, croiser certaines données entre elles, etc. Un vrai processus de valorisation de la donnée immobilière que les professionnels n’ont pas le temps ni souvent les compétences de mettre en place. Tous n’ont pas les moyens d’embaucher des Data Scientists pour y parvenir.
À partir de quand, dans le développement de votre projet, est intervenu le déclic entrepreneurial ?
Binta : En septembre 2019, nous avons mis en ligne un prototype de notre plateforme. Une sorte de premier jet. Suite à cela, notre projet a fait l’objet d’un article sur le site Actu IA. À partir de cet article, tout s’est accéléré : nous avons reçu énormément de messages et de demandes de rendez-vous de la part de professionnels de l’immobilier, curieux de notre outil. Ces échanges nous ont fait prendre conscience que le besoin en data était réel et que de nombreuses personnes souhaitaient pouvoir bénéficier de notre savoir-faire. Nous tenions quelque chose.
Avant cela, étiez-vos familiers avec le monde de l’immobilier ?
Martin : Pas du tout ! C’est pour cela qu’à partir du moment où nous avons ressenti cet engouement, nous avons souhaité nous former et monter en compétences à ce niveau. C’était aussi le but des rendez-vous suivant la publication de l’article, de s’en servir pour ensuite aligner notre proposition de valeurs avec les besoins des acteurs de l’immobilier. Nous voulions connaître tous les tenants et les aboutissants. Cette démarche est fondamentale car, lorsque nous faisons des algorithmes prédictifs d’’évolution d’une zone définie, nous ne nous arrêtons pas simplement au prix du m² : derrière ce prix, il y a aussi un changement socio-économique, un changement de population, de nouveaux travaux, etc. Cela traduit également une dimension profondément humaine de l’immobilier. Et ça nous intéresse particulièrement !
De ce fait, votre plateforme peut-elle aussi intéresser les acteurs publics et institutionnels pour, par exemple, suivre les évolutions des différents quartiers ou définir les besoins en matière de commerces dans une zone bien définie ?
Martin : C’est vrai et nous avons d’ailleurs commencé à établir le contact avec certaines personnes de la sphère publique. Toutefois, nous n’en sommes qu’au début du projet et aucune collaboration officielle n’a encore été lancée. Nous expérimentons d’abord. Par contre, nous utilisons déjà le travail fait par ces acteurs pour produire à notre tour de la donnée : l’Open Data connaît un boum en France, notamment dans les grandes villes comme Paris qui dispose même d’un atelier de l’Open Data.
Où en est Lokimo aujourd’hui ?
Martin : Nous avions commencé à travailler sur la création l’entreprise avant le confinement, mais ce dernier a repoussé la finalisation de certains documents. Désormais, nous avançons à nouveau et recherchons notamment une nouvelle structure d’accompagnement pour l’année prochaine. Nous sommes en relation avec différents incubateurs et accompagnateurs de startups afin de poursuivre notre développement en étant encadrés et en continuant à bénéficier de retours extérieurs.
Binta : Le projet a grandi grâce au StartUp Lab d’EPITA. C’est avec ce programme que nous avons d’ailleurs décidé de nous orienter vers l’immobilier. Nous avions des comptes-rendus hebdomadaires avec Daniel Jarjoura, le directeur du StartUp Lab, ce qui nous a permis de mieux cadrer l’idée, de savoir comment nous voulions la développer ou atteindre nos premiers clients, etc. À chaque fois que nous étions bloqués à une étape, il était là pour nous aider à trouver une solution le plus rapidement possible.
Martin : Ce qu’on apprend dans le StartUp Lab est différent de ce qu’on peut apprendre en cours. Et cela épluche un grand nombre de sujets comme, par exemple, le fait de savoir comment envoyer un mail de prospection. C’est un atout considérable pour des personnes comme nous qui, en dehors des stages, n’avaient pas une grande expérience du monde de l’entreprise jusqu’ici. Cela nous a aussi permis de rencontrer d’autres entrepreneurs pour échanger avec eux sur leurs parcours. C’est par ce biais qu’on réalise que les créateurs d’entreprise empruntent très souvent les mêmes chemins, rencontrent les mêmes épreuves, sont traversés par les mêmes doutes. Le StartUp Lab nous a préparés et nous a servi d’appui. Nous n’étions pas seuls dans la nature.
Comment vous répartissez-vous les fonctions dans cette aventure ?
Binta : Je suis en charge du développement Back-End de l’application et du traitement des données. Je gère aussi la communication, la partie acquisition d’utilisateurs et le growth hacking.
Martin : De mon côté, je suis surtout en charge de la R&D pour l’IA ainsi que de la stratégie commerciale, des rendez-vous clients…
Le traitement de la donnée et sa visualisation peuvent être fastidieux pour celles et ceux dont ce n’est pas le cœur de métier. Est-ce que votre mission consiste également à rendre cette partie plus simple, ludique et « sexy » auprès des futurs utilisateurs ? Est-ce que l’ergonomie occupe un rôle important dans votre démarche ?
Martin : Très clairement, oui. Dans l’immobilier, les professionnels se sentent généralement très lésés face à l’absence d’outils un peu sexy de la Business Intelligence tandis que les trois quarts des autres secteurs bénéficient de super beaux graphiques et de plateformes en ligne super modernes. L’immobilier reste très austère à ce niveau et rien n’a encore été vraiment fait pour changer la donne auprès des professionnels – à l’inverse, plusieurs sites à destination des particuliers sont plus avancés. Nous nous concentrons donc aussi là-dessus, d’autant que nous sommes également très sensibles à la question du design, de l’interface. Quitte à ralentir le développement de certaines fonctionnalités, nous privilégions toujours le fait d’avoir la plateforme la plus moderne et accessible possible, qu’elle soit agréable à utiliser et représente un vrai changement.
Binta : Nous voulons vraiment rendre la manipulation des données aisée. Sur Excel, ce n’est pas si facile ni esthétique de croiser les données. Avec Lokimo, en deux-trois clics, on peut facilement obtenir toutes les données que l’on souhaite, avec un joli affichage. Le design et l’expérience utilisateur nous tiennent particulièrement à cœur.
Quid du business model ?
Binta : La cible principale reste les professionnels de l’immobilier. Nous leur proposons des abonnements mensuels résiliables à tout moment. Actuellement, nous sommes en train de préparer la diversification de nos offres et envisageons de futures collaborations avec des grands groupes du secteur.
Martin : Les petits professionnels peuvent s’abonner pour utiliser la plateforme telle quelle. D’autres entreprises peuvent opter pour un abonnement assorti d’une personnalisation de la plateforme, avec leur propre wording ou design de rapport. Une option leur permet aussi d’utiliser nos API pour exploiter leurs propres données. Notre offre s’adapte selon leurs besoins et leurs envies.
L’équipe va-t-elle s’étoffer prochainement ?
Martin : Nous y avons réfléchi, mais finalement, nous préférons rester à deux le plus longtemps possible. Nous sommes actuellement dans une position avantageuse car nous réalisons notre stage de fin d’études dans notre propre entreprise. Cela nous permet d’avoir beaucoup de temps à consacrer à notre structure, pour la faire mûrir. Notre but est d’abord d’arriver à comprendre en profondeur notre marché et de proposer le produit le plus abouti possible. L’équipe s’agrandira ensuite l’année prochaine, lorsque nous aurons rejoint une nouvelle structure d’accompagnement, puisque nous avons l’ambition de faire encore beaucoup de choses. Nous rechercherons alors des personnes avec d’autres backgrounds que le nôtre car, même si Binta et moi sommes très complémentaires, nous sommes tous les deux des profils très tech. Des personnes plus orientées commerce ou communication pourront nous aider à franchir encore un palier.
Retrouvez Lokimo sur son site Internet et LinkedIn
Découvrez également l’article de Maddyness et celui du Journal de l’Agence consacrés à Lokimo !