Recherche en cours : à la poursuite des étoiles avec le projet Météore
Qui n’a jamais scruté le ciel une nuit d’été à la recherche d’une étoile filante ? Et bien sachez que la détection des étoiles filantes est au cœur du projet Météore mené par l’Observatoire de Paris en collaboration avec l’équipe Traitement d’images de l’EPITA.
En marge du nouvel épisode de la série « Recherche en cours, EPITA Laboratoire d’innovation » consacré au projet Météore, l’école vous propose d’en découvrir les coulisses avec l’enseignant-chercheur Guillaume Tochon. Rattaché au LRDE, coresponsable de la Majeure Image et membre de l’équipe Traitement d’images, ce spécialiste en intelligence artificielle pour l’imagerie satellitaire et spatiale revient sur cette brillante association scientifique !
Comment peut-on définir le projet Météore ?
Guillaume Tochon : Il cherche à prédire de la manière la plus précise possible les pluies d’étoiles filantes. Pour cela, nous travaillons conjointement avec l’Observatoire de Paris, via Jérémie Vaubaillon, astronome et responsable du projet CaBeRNET. Mais pour bien expliquer le projet, il convient d’abord de rappeler ce qu’est une étoile filante – ou « météore » dans le jargon scientifique : si tout le monde connaît ces trainées lumineuses qui apparaissent dans le ciel pendant les soirées d’été, tout le monde ne sait pas forcément qu’il s’agit, en fait, de fragments de comètes ! En effet, quand les comètes en orbite autour du soleil s’approchent de ce dernier, elles perdent du gaz et des grains de poussières qui, eux, restent en orbite. Dès lors, quand la Terre entre dans la traînée constituée par cette poussière, les grains se désagrègent dans l’atmosphère terrestre. C’est ce moment qui engendre nos fameuses étoiles filantes. Or, pour prédire ces futures pluies d’étoiles filantes, les scientifiques de l’Observatoire de Paris ont besoin d’avoir une connaissance précise de l’orbite de ces grains de poussière afin de déterminer quand la Terre va passer dans la trainée au cours de sa propre orbite autour du soleil. Ils doivent donc calculer précisément les orbites de ces grains de poussière en se basant sur l’entrée des météores dans l’atmosphère : à partir de la détection de la position de ces météores, on est ensuite capable de déterminer la trajectoire du grain de poussière et quelle était son orbite autour du soleil. Voilà le but du projet Météore.
Quelle est la place du traitement d’images dans ce projet ?
Guillaume Tochon : Ce projet est mené avec trois stations d’observation, toutes situées dans les Pyrénées et munies de caméras très sensibles qui prennent des images à chaque seconde de toutes les nuits de l’année. Et sur ces images, de temps en temps, il y a un météore qui passe, en se manifestant via une petite trainée lumineuse. Le problème est que, étant donné la grande sensibilité de ces caméras, de nombreux « événements » sont également capturés, comme les satellites et avions de passage, la station spatiale internationale, les nuages, les oiseaux, etc. Ainsi, dans ce grand volume de données récoltées – cela représente tout de même 400 à 800 gigas de données par nuit et par station d’observation –, il faut parvenir à laisser de côté les autres événements pour mieux détecter les météores et donc leur position. D’où l’importance du traitement d’images et de son automatisation !
Guillaume Tochon, coresponsable de la Majeure Image… et chasseur d’étoiles filantes grâce au traitement d’images !
Le logo du projet CaBeRNET
Quelle est votre contribution en tant que chercheur ?
Guillaume Tochon : En l’état actuel, des processus de détection sont déjà implémentés sur les ordinateurs de l’Observatoire de Paris, ce qui permet de détecter tous les événements. Le problème réside dans le fait que ce processus ne permet pas de trier les météores des événements non voulus. Le tri se fait donc à la main : chaque matin, Jérémie Vaubaillon analyse des centaines ou des milliers d’images en fonction du nombre de détections de la nuit précédente, pour dire si l’image contient finalement un météore ou non. Notre collaboration intervient à ce niveau, pour justement permettre l’automatisation de ce tri entre les bonnes images et ce que nous appelons « les fausses alarmes », via le traitement d’images et l’utilisation de techniques d’intelligence artificielle. Ce travail mené sur l’automatisation va également donner l’occasion aux astronomes de consacrer davantage de temps à d’autres tâches potentiellement plus intéressantes.
En quoi le monde de la recherche vous passionne ?
Guillaume Tochon : Travailler dans la recherche est frustrant à bien des égards car, avant de bien faire fonctionner ses algorithmes et atteindre ses objectifs, on doit très souvent passer par une phase de tâtonnement plus ou moins longue. Bien sûr, il arrive que l’on réussisse parfois à obtenir les résultats souhaités dès la première tentative, mais c’est finalement assez rare : on se tape plus souvent la tête contre les murs durant plusieurs mois, voire plusieurs années ! Mais voilà : le jour où ça marche, on en retire une très grande satisfaction ! C’est à ce moment-là qu’on récolte le fruit d’un long processus de tests, de réflexions… Vient ensuite une autre satisfaction, celle de pouvoir appliquer nos travaux à des objectifs concrets et ouvrir ainsi la porte à d’autres projets de recherche. En effet, être capable de prédire les orbites des météores permet aussi de remonter à l’identité de la comète ayant « dégazé » ces grains de poussière. Cela nous apporte une meilleure compréhension des comètes et donc de la dynamique de formation du système solaire, soit une question fondamentale que se pose l’être humain depuis qu’il est en mesure de comprendre ce qu’il se passe dans le ciel.
Au sein de l’équipe Traitement d’images, on retrouve aussi des étudiants de l’EPITA. Qu’apporte cette relation entre chercheurs et EPITéens ?
Guillaume Tochon : C’est formateur pour les étudiants, bien sûr, mais aussi les chercheurs ! Nous leur transmettons le savoir-faire de la recherche, qui n’est pas quelque chose d’inné, et nos connaissances. La plupart des étudiants qui nous rejoignent le font d’abord par curiosité, pour découvrir ce monde qu’ils ne connaissent pas ou très peu. D’autres décident aussi de nous rejoindre parce qu’ils ont déjà la volonté de faire une thèse après l’obtention de leur titre d’ingénieur et qu’ils souhaitent donc mettre un premier pied dans cet univers. Et l’ensemble de ces étudiants, en plus de nous aider sur nos projets, nous stimulent également et nous poussent parfois vers de nouvelles réflexions !