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Loïca Avanthey, Anne Dewilde et Marie Moin : trois femmes qui façonnent l’EPITA au quotidien

Qu’elle concerne l’informatique, les sciences, l’ingénierie et bien plus encore, la « tech » constitue un formidable univers et offre de nombreuses opportunités de carrière. Pourtant ces secteurs, si riches et passionnants, peinent encore à attirer les filles et les jeunes femmes. Que ce soit dans le numérique ou dans les écoles d’ingénieurs, leur nombre dépasse péniblement les 25 % depuis de nombreuses années. Une anomalie issue d’aprioris et de clichés encore tenaces qui veulent que, dès leur plus jeune âge, les garçons soient prédestinés à la technologie, mais pas les filles. Voilà pourquoi, dans ses numéros 49 et 50, le IONIS Mag a fait le choix de publier une série de portraits de femmes qui « font la tech » au quotidien au sein des écoles et entités du Groupe IONIS et partagent l’envie de faire bouger les lignes.

L’EPITA vous propose à présent de découvrir trois d’entre elles qui façonnent l’école au quotidien : Loïca Avanthey, enseignante-chercheuse et co-fondatrice de l’équipe SEAL, Anne Dewilde, directrice du laboratoire d’innovation 3IE et Marie Moin, directrice de SECURESPHERE by EPITA.

Loïca Avanthey, Anne Dewilde et Marie Moin : trois femmes qui façonnent l'EPITA au quotidien

Que faites-vous au SEAL ?

Loïca Avanthey : Je suis enseignante-chercheuse en robotique d’exploration. L’équipe SEAL a vu le jour en 2018 pour développer les activités de robotique au sein de l’école. Pour la partie recherche, cela consiste à concevoir des robots avec des capteurs embarqués que l’on va déployer sur le terrain pour récupérer des données que l’on va ensuite traiter pour faire des cartes thématiques, de la reconstruction 3D, des mosaïques d’images… Ces données vont ensuite être envoyées à des collègues scientifiques, aussi bien des biologistes, des archéologues, des vulcanologues ou des botanistes, qui vont les utiliser dans leur spécialité. Mes thématiques de recherche touchent donc des domaines très vastes et transverses, car on part de l’acquisition des données (mécanique, électronique, robotique, automatique…) à leur traitement.

Comment vous est venue votre passion pour la recherche ?

J’ai toujours été passionnée par les sciences, mais je n’ai jamais vraiment été intéressée par la théorie pure. J’ai fait des études d’ingénieure en informatique, électronique et automatique, dans une école qui grâce à une pédagogie par projets m’a donné le goût pour la recherche. J’ai failli faire des études d’art dans la modélisation 3D, mais finalement, avec mon choix de cursus, je retrouve cet aspect artistique mélangé avec les sciences alors que l’inverse n’aurait pas pu être possible. Pendant mes études, j’ai pu rejoindre un laboratoire et accompagner les chercheurs dans leurs travaux. Nous avons ainsi pu travailler sur la conception de drones – nous étions les premiers en France –, puis sur les robots sous-marins, mes premières amours. À l’époque, j’ai pu valider mes crédits académiques via mes activités au laboratoire ; c’était une vraie innovation et une possibilité que l’EPITA propose désormais. J’ai donc passé une grande partie de ma scolarité dans un laboratoire de recherche. Comme j’ai toujours aimé l’enseignement, j’ai ensuite passé une thèse.

Comment vous est venue votre passion pour la recherche ?

Pendant mes études d’ingénieure, nous étions que 7 % de filles. Cela ne m’a pas beaucoup dérangé, au contraire, ça a plutôt été un atout ! En réalité, cela m’interpelle plus en tant que prof, pour des questions de diversité. Ce déséquilibre est un problème qui remonte bien avant le début des études supérieures : la société n’encourage pas les filles à s’orienter vers les métiers techniques. Les jouets par exemple sont très fortement genrés : je piquais régulièrement les jouets de mes frères car la technique m’a toujours plu. On retrouve le même biais dans les romans « destinés » aux filles. Mais pourquoi ? Tout cela créé des barrières mentales et participe au détournement des filles pour les sciences et les techniques. Elles vont se fermer des porter avant même de savoir si elles sont intéressées par ces domaines. L’autre frein est lié à la perception des métiers de l’ingénieur du numérique et de l’image qui en est donnée. Le besoin de donner du sens est un phénomène très marqué au sein des nouvelles générations. Mais les filles ressentent sans doute plus ce besoin et seront plus attirées vers des métiers qu’elles jugent utiles à la société. Dans les métiers santé et des services à la personne, cela est évident. Mais pour les métiers techniques, ça l’est beaucoup moins. Du coup, une partie des filles qui auraient pu s’orienter vers ces filières ne le font pas. Cette quête de sens est quelque chose qui m’a toujours guidée tout au long de mes choix de carrière. Une fois diplômée, je ne voulais pas m’orienter vers une société de services orientée business ou vers de « l’ultra-tech » comme le faisaient la plupart des ingénieurs. J’avais besoin du côté technique, concret et artisanal et d’une adéquation avec la question environnementale qui a toujours été fondamentale à mes yeux. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir faire ce que j’aime, car enseigner a une véritable utilité. Et mes activités de recherche me permettent de travailler sur la préservation de l’environnement, notamment des littoraux.

Cela touche à la représentation des filles et des jeunes femmes qu’elles ont d’elles-mêmes.

Oui, complétement. Notre orientation très tech, fait que nous avons près de 80 % d’hommes à la tête de nos startups, alors que l’incubateur makesense, dédié à l’économie sociale et solidaire, c’est l’inverse. Ce n’est donc pas notre univers qui est ainsi, mais les domaines. Par exemple, la mobilité est un domaine essentiellement masculin, les biotechnologies, majoritairement féminin. C’est un peu comme les orientations scolaires : les hommes font des robots et les filles de la biologie… Mais les lignes commencent à bouger.


Loïca Avanthey, Anne Dewilde et Marie Moin : trois femmes qui façonnent l'EPITA au quotidien

Quelles sont vos activités ?

Anne Dewilde : Je suis directrice du laboratoire 3IE (gestion de l’équipe, relations avec les autres services, partie commerciale, partenariats et développement). En parallèle, je suis enseignante en communication : communication orale (1res années) et communication interpersonnelle (approche MBTI, savoir-être, gestion de conflits et leadership à partir de la 3e année). J’interviens aussi dans la Majeure Multimédia et Technologies de l’Information (MTI) où j’encadre, coache et évalue les projets de fin d’études.

Que fait 3IE, l’Institut d’Innovation Informatique de l’EPITA ?

C’est le laboratoire d’innovation de l’école dans lequel nous concevons des applications centrées sur les utilisateurs (web, mobile, 3D, réalité virtuelle et réalité augmentée) à la pointe en termes d’architecture logicielle et de développement. Notre équipe est composée d’enseignants, d’ingénieurs et d’étudiants.

Comment susciter les vocations scientifiques chez les filles ?

Cela se joue assez tôt, dès le collège, en combattant un certain nombre d’aprioris. Comme parent, j’ai souvent entendu des réflexions expliquant que les filles et les études scientifiques n’étaient pas forcément compatibles… Quand je faisais mes études d’ingénieure, dans certains milieux, on me demandait, ainsi qu’à une amie qui faisait médecine, pourquoi nous avions choisi de telles voies… Il y a encore quelques aprioris et des clichés tenaces. Mais les sciences et les mathématiques restent des matières particulières dans lesquelles tout le monde ne peut pas nécessairement s’épanouir. On parle souvent du manque de rôles-modèles chez les filles. Utiliser la technologie pour imaginer un monde meilleur, et l’éthique qui va avec, sont des enjeux dont doivent s’emparer les filles ! Elles y ont toute leur place avec leurs visions.

Comment vous est venue la vôtre ?

J’ai toujours été passionnée par les mathématiques, puis j’ai fait une prépa et des études d’ingénieure. J’aimais les jeux vidéo, la technologie et les sciences. Puis je suis rentrée chez HP, une société ouverte et intéressante qui m’a permis de me diriger vers un poste technico-commercial. Ce rôle m’a passionné et c’est ce que je fais toujours à 3IE. Les études d’ingénieurs ouvrent de nombreuses portes et à des métiers aux multiples facettes. Au-delà de la partie technique, il y a le travail d’équipe et la communication. C’est très riche ; les filles qui veulent devenir ingénieures doivent oser !


Loïca Avanthey, Anne Dewilde et Marie Moin : trois femmes qui façonnent l'EPITA au quotidien

Qu’est-ce que SECURESPHERE by EPITA ?

Marie Moin : SECURESPHERE est l’entité de l’EPITA chargée de faire de la formation continue en cybersécurité. Nous proposons aux entreprises des actions de formation pour participer à leur sécurisation globale. La sécurité numérique, ce sont des outils mais aussi un ensemble de moyens à mettre en œuvre au niveau des collaborateurs. SECURESPHERE propose ainsi des programmes adaptés à tous les métiers. Chacun a besoin de compétences cyber et celles-ci doivent naturellement être déclinées en fonction des métiers concernés : si un directeur financier et un développeur ont besoin d’être formés, les compétences mises en jeu ne sont pas les mêmes.

Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier ?

L’ingénierie pédagogique et le fait de créer sans cesse de nouvelles formations. Car la cybersécurité est un secteur qui bouge tout temps et nous avons constamment besoin de renouveler nos programmes. Pour cela, nous devons être à l’écoute permanente des entreprises et nous adapter à leurs besoins, mais aussi à leurs demandes. Les menaces évoluent sans arrêt, comme les prérequis des utilisateurs et leur comportement. Nous devons nous adapter aux évolutions en cours.

En quoi consistent les cyber-menaces actuelles ?

Les cyber-attaquants sont toujours très opportunistes. Ils ont ainsi largement profité de la crise, en s’attaquant aux hôpitaux, mais aussi en s’engouffrant dans les failles liées au télétravail. Par définition, la délinquance est un phénomène opportuniste et désormais, les cyber-attaquants sont très bien organisés ; on est bien loin du petit délinquant : de véritables mafias se sont emparées du « marché ». C’est également un enjeu stratégique (espionnage, intelligence économique…) pour certaines entreprises et un instrument de déstabilisation pour certains États. Au fond, on retrouve dans le monde cyber les mêmes menaces que celles du monde réel.

Pourquoi y-a-t-il si peu de femmes dans la cybersécurité ?

C’est effectivement un milieu éminemment masculin. Les femmes qui travaillent dans ce domaine – j’en suis le parfait exemple – ne travaillent pas dans la technique. Nous manquons cruellement de femmes dans ces métiers. Pour changer la donne, il faut attirer plus de filles dans les écoles d’ingénieurs. La cybersécurité n’est pas un métier d’hommes ! Les femmes sont essentiellement présentes dans les métiers juridiques ou connexes, comme la formation. Quand il s’agit de mettre « les mains dans le cambouis » – et la cybersécurité est une matière dont le cœur reste d’abord très technique –, il n’y a pas de femmes, car il n’y a pas de filles dans les écoles d’ingénieurs.

Comment peut-on faire pour changer la donne ?

Agir très tôt, en faisant des campagnes de sensibilisation et encourager des initiatives comme GirlsCanCode!. En agissant le plus tôt possible, on peut faire changer les mentalités, car les filles ne se projettent pas : aujourd’hui, une lycéenne ne s’imagine pas dans l’informatique. Il faut intervenir au moment où elles s’intéressent à leur orientation, dès le collège, voire avant. En s’interdisant ces carrières, elles se privent de métiers passionnants pour lesquels elles sont très compétentes. Si elles aiment les sciences et l’informatique, il n’y aucune raison qu’elles n’y aillent pas ! Rien ne doit leur faire peur ! Mais cela viendra, comme en médecine où l’on voit maintenant autant de femmes chirurgiennes. Je reste très optimiste, mais cela ne fera pas en un claquement de doigt. Il faut mettre en avant les ingénieures et les femmes qui travaillent dans des métiers techniques.

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